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Les Monuments d'art et d'histoire du canton de Fribourg VI

Les Monuments d'art et d'histoire du canton de Fribourg VI

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Après trois volumes consacrés à la ville de Fribourg dans les années 1950 et 1960, puis deux tomes dédiés au district du lac avec l’accent porté sur la ville de Morat dans le dernier quart du siècle passé, le sixième volume des Monuments d’art et d’histoire du canton de Fribourg s’intéresse au district de la Broye, plus exclusivement à son chef-lieu, Estavayer-le-Lac, située dans une grande enclave fribourgeoise en terres vaudoises, adossée au lac de Neuchâtel et de ce fait historiquement et artistiquement très orientée sur la rive nord du lac et le Jura, beaucoup plus que sur l’actuelle capitale cantonale. Actuellement, Estavayer-le-Lac fait partie d’une grande entité, Estavayer, résultant de la fusion administrative d’une grande partie des communes se trouvant dans l’enclave. Cette enclave correspond grosso modo à l’ancienne seigneurie des Estavayer, entité qui apparaît dans les documents au XIe siècle, peut-être ramification d’une famille évoluant dans l’orbite du roi Rodolphe III de Bourgogne, justement installée de l’autre côté du lac, à Colombier, avant qu’elle n’opère son transfert à Neuchâtel autour de l’an mil. Leur implantation sur ce site, fracture de la falaise molassique bordant le lac, propice à l’installation d’un port et d’une agglomération pouvant en tirer profit, est révélé par un premier indice architectural, la construction probablement à l’initiative de l’évêque de Lausanne d’un sanctuaire dans la 2e moitié du Xe siècle, dont ils sont les protecteurs, dédié à saint Laurent devenu très populaire après la victoire des Ottoniens sur les Hongrois à Lechfeld en 955. Leur premier château de Motte-Châtel, au centre de la ville actuelle, fait son apparition à la même époque. Dès lors, une première agglomération se développe autour de ces deux pôles architecturaux fortifiés. Au XIIIe siècle, les Estavayer, dépendants de l’évêque de Lausanne puis des comtes de Savoie qui prennent le relai, sont seigneurs de Gorgier ; ils sont les alliés autant du comte de Neuchâtel que des puissants seigneurs de Grandson. La haute conjoncture économique et démographique de cette époque voit la ville s’agrandir considérablement. Elle s’enveloppe d’une enceinte, par la suite flanquée de tours défensives, et surtout ponctuée par trois nouvelles forteresses, car le domaine se scinde alors en trois coseigneuries. Dans les années 1240, un deuxième château dédouble Motte-Châtel sur l’actuelle place de Moudon. Dès 1285, c’est la construction à l’angle nord de la ville du puissant château de Chenaux aussitôt contrebalancé au sud par sa réplique en réduction, le château des Estavayer-Cugy, très tôt passé dans le domaine direct des Savoie. De leur côté, les Estavayer-Chenaux favorisent l’implantation d’un monastère de dominicaines en 1316, toujours occupé par le même ordre, détenteur d’un très riche patrimoine mobilier et artistique reconstruit intégralement entre 1679 et 1735 sur les plans de l’architecte neuchâtelois Jonas Favre, homme à la croisée des cultures catholique et protestante. Dès le début du XIVe siècle, la fragmentation de la ville et du territoire en trois coseigneuries est défavorable aux Estavayer à qui il manque une assise foncière suffisamment forte pour entretenir leurs résidences et exercer leurs droits seigneuriaux. Les Savoie en tirent tout d’abord profit puisqu’en 1349 une des coseigneuries devient châtellenie savoyarde. En 1432, les coseigneurs de Chenaux vendent leur château à Humbert le Bâtard, demi-frère du duc Amédée VIII. On lui doit la spectaculaire ceinture fortifiée qui enveloppe l’édifice, avec ses deux tours de brique dominant le lac et son châtelet aux défenses très sophistiquées tourné contre la ville, introduisant également l’art de construire en brique, pratiquée au nord de l’Italie. Les Estavayer s’endettent ensuite auprès de la ville de Fribourg. Cela permet à cette dernière de prendre possession des trois coseigneuries par étapes, de 1488 à 1632 au décès de Laurent d’Estavayer, dernier des coseigneurs. L’arrivée de Fribourg juste avant la Réforme lui a permis sans doute d’influencer la population staviacoise en sa faveur, restée fidèle à la religion catholique. La ville, en général bien soutenue par ses coseigneurs dans ses relations avec les suzerains plus éloignés (maison de Savoie puis Fribourg), acquiert une autonomie de plus en plus forte au cours du temps. S’il ne reste plus rien de son ancien hôpital et plus grand-chose de son ancien hôtel de ville du début du XVIe siècle, l’église paroissiale est son étendard de prestige. Les archives communales permettent de suivre en détail sa reconstruction intégrale, entre 1390 et 1525 : l’édifice adopte d’abord le style gothique rayonnant puis passe au flamboyant. Outre un remarquable mobilier (stalles « savoisiennes »), elle conserve des antiphonaires magnifiques abandonnés par la Berne protestante, ainsi que de spectaculaires pièces d’orfèvrerie. Le substrat molassique accidenté en bord de falaise de même que des agrandissements par juxtaposition de faubourgs successifs au fur et à mesure que les coseigneurs d’Estavayer ont lotis leurs importantes possessions n’ont pas permis à cette ville de s’inscrire dans un plan urbanistique uniforme et planifié mais de s’adapter pragmatiquement à la topographie. L’exceptionnelle couverture documentaire conservée permet de mettre en évidence la progressive élaboration du tissu urbain caractérisant l’actuel intra muros, mais aussi les profondes modifications que celui-ci a subi à diverses époques. Sur la base du plan cadastral de 1746-1748, document charnière pour établir le lien avec les origines de cette ville, de nombreux plans, faubourg par faubourg, permettent de suggérer les dispositions primitives disparues, travail de reconstitution virtuel qui devra par la suite être vérifié par les archéologues mais qui leur fourniront une base de travail très solide.

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DOI: 10.30429/KDS-FR-VI

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